L’entreprise libérée est-elle une mode ou un modèle ?

L’entreprise libérée est-elle une simple mode ou un vrai modèle ? Patrick Margron, DRH de Veolia, livre son point de vue dans un article paru dans la revue RH&M.

« Derrière chaque décision de commandement ou d’action il y a des suppositions implicites sur la nature humaine et le comportement des hommes » écrivait en 1960 Douglas Mc Gregor, professeur de management au MIT, et il formulait son alternative managériale : “théorie X ou théorie Y”.

X, l’homme est paresseux, n’aime pas les responsabilités, préfère être dirigé et il faut le contraindre et le contrôler pour qu’il fasse correctement son travail, d’autant qu’il n’utilise son intelligence que pour contourner les règlements. Y, l’homme a besoin de travailler pour se développer, il est motivé par la mise en oeuvre de ses compétences et par le désir de s’auto-réaliser, il recherche les responsabilités et cherche naturellement à réaliser ses propres buts tout en cherchant à atteindre les objectifs de l’organisation.

En 1755, Rousseau faisait déjà le pari Y et en 1576 l’économiste et philosophe Jean Bodin, perpétuellement invoqué par les DRH, faisait de même avec son célèbre (mais bien mal compris, manifestement) « il n’y a ni richesses ni forces que d’hommes »

Malgré 500 ans de pensées humanistes et un demi-siècle de progrès décisifs des sciences humaines et sociales, X continue de dominer les esprits et le conditionnement « command control » imprègne toujours une majeure partie du management.

Le pari des intelligences…Un pari : l’entreprise dite « libérée », par un raccourci aussi puissant qu’il est abusif et confusionnel, n’est rien d’autre qu’une entreprise qui a fait le pari de l’intelligence de ses collaborateurs, de tous ses collaborateurs, et de toutes les formes d’intelligence (cognitive, émotionnelle,relationnelle…) et qui courageusement tire les conclusions logiques de ce pari.

Ce pari des intelligences demande de l’humilité et du courage pour ne pas être bloqué par une vision court-termiste où la première difficulté viendrait convoquer immédiatement le vieux référentiel “command-control” qui semble nourri par un puissant réflexe reptilien de peur où se jouent les conditions de la survie, de la domination et du territoire.

Il est probable que cette peur des autres, de l’Autre, soit le miroir de la peur de Soi. Les psychologues nous ont appris que ce que l’on dit de l’Autre, en fait parle de Soi. Le manager X est sans doute un homme ou une femme dont la construction intime et culturelle ne lui donne pas l’autorisation et la force d’abandonner les armes du contrôle, de son contrôle.

Le pari des intelligences est plus large et plus impliquant que le pari de la confiance (qui en est quelque sorte l’un de ses sous-produits) car en reconnaissant de façon inconditionnelle les intelligences de l’Autre, de chacun des autres, j’accepte sans réserve la légitimité de la diversité des solutions, des initiatives, des chemins et des comportements pour arriver à la réussite.

Et je peux enfin me libérer de la croyance épuisante que tout repose sur moi.

“La liberté peut être anxiogène”Le pari de l’intelligence de chacun est plus puissant que le pari de l’intelligence collective, dont il est en fait la véritable condition préalable, puisqu’il donne sans réserve de la puissance et de l’autonomie d’action à chacun (Empowerment, disent des anglosaxons). Ce pari n’est pas forcément confortable car la contrepartie obligatoire de cette liberté, c’est un surcroit de responsabilité individuelle. Ce qui nécessite l’accompagnement vers de nouveaux comportements individuels et collectifs, la liberté est souvent anxiogène et peut faire peur.

L’entreprise dite libérée est une entreprise qui encourage la prise de risque. La prise de risque est la condition de l’innovation disruptive puisqu’il s’agit d’essayer quelque chose qui n’a pas été déjà tenté. Le corolaire est l’acceptation source d’apprentissage et la non culpabilisation de ceux qui ont pris un risque et échoué.

Donner à chacun le droit à cette prise de risque c’est multiplier les émetteurs, les capteurs et les transformateurs d’idées et donc aller plus vite, être plus créatif et plus résilient en cas d’échec.

Les autres entreprises n’ont pas fait le pari de la bêtise et ne sont pas des prisons. Elles savent que leurs collaborateurs sont intelligents mais, « X oriented », elles multiplient les injonctions contradictoires paralysantes : « soit créatif mais respecte le process, soit autonome mais suit la ligne hiérarchique, prend des risques mais assure le chiffre du mois, joue collectif mais je t’évalue sur tes performances individuelles, prend soin de toi, établi tes priorités mais j’ai absolument besoin de ce rapport demain matin ».

Libérée de quoi ? L’entreprise libérée est une entreprise qui par un effort permanent se libère du conditionnement X et supprime tout ce qui handicape chacun des collaborateurs dans son désir de bien faire son travail et d’accomplir sa mission, en bonne intelligence avec ceux avec qui il doit interagir […].

Cet article est extrait de la Revue RH&M n°66 de juillet 2017. Vous pouvez lire l’intégralité des articles de ce numéro dans la revue RH&M

L’équipe RH de la MiE souhaite, en 2018, animer un atelier autour de l’entreprise libérée et sur d’autres méthodes de management…

Ces méthodes de management seraient elles applicables dans votre entreprise ?

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