Au-delà des préjugés sur les clauses sociales, rencontres…

Les clauses sociales se développent.

Aujourd’hui, elles permettent notamment de réserver des heures de travail à des personnes en difficulté d’insertion professionnelle dans le cadre de marchés de travaux et de services. Néanmoins, certains lots de ces marchés restent peu impactés par ces clauses sociales, comme c’est le cas pour les lots comportant des prestations intellectuelles.

Entretiens croisés entre M. Benali, un salarié ayant bénéficié de l’action des clauses sociales, et de M. Delmotte, directeur de GD projets, une entreprise chargée de l’organisation et de la coordination des différents intervenants sur chantier.

Les clauses sociales : un élément déclencheur

M. BENALI, parlez-nous de votre parcours.

J’ai obtenu mon BTS en Bâtiment et Urbanisme à l’ITTPB, en Algérie. J’étais persuadé que ce diplôme, apparemment reconnu à l’international, m’ouvrirait de nombreuses portes.

Mon expérience de 5 ans dans une centrale à béton en Algérie et ma rapide évolution en interne (M. accède alors au poste de chef du département des travaux) renforcent cette conviction.

En 2010, je suis arrivé en France j’ai cherché à faire valider mon diplôme mais je n’ai obtenu aucune réponse. Encore aujourd’hui, et malgré mes nouvelles demandes de validation d’acquis et d’expérience en 2013 et en 2016, je n’ai jamais reçu de réponse négative ou positive. De ce fait, j’ai cherché à continuer à exercer ma profession sans une reconnaissance officielle de diplôme mais j’ai essuyé les refus des entreprises qui souhaitent des candidats ayant de l’expérience en France. J’ai enchaîné alors les « petits boulots », comme chauffeur-livreur ou magasinier.

Après plusieurs années de recherche d’emploi dans l’ingénierie du bâtiment vous pouvez enfin exercer. Que s’est-il passé ?

Fin 2015, j’ai entendu parler de la MiE. On m’a reçu en entretien et parlé de l’action « clauses sociales ». Deux mois plus tard, via cette action, j’ai été rappelé pour un démarrage de contrat avec Bouygues en tant que manœuvre. Grâce à mon travail et mon sérieux, mon contrat a été prolongé et mes missions ont évolué. Cela a été une expérience très enrichissante pour moi.

Après ce contrat et au vu de mes difficultés à retrouver du travail, j’ai progressivement perdu espoir de pouvoir un jour retravailler dans mon domaine. J’ai alors passé et validé un titre professionnel en installation thermique et sanitaire. Puis, je suis retourné à la MiE, mon titre professionnel en poche. J’ai rencontré Mme DELBECQUE qui m’a proposé un poste en tant qu’assistant OPC (ordonnancement, pilotage, coordination) d’un chantier à Roubaix.

Aujourd’hui, je suis salarié de GD projets, une entreprise spécialisée dans l’ingénierie du Bâtiment. J’assiste à la coordination du chantier de reconstruction du collège Albert SAMAIN à Roubaix.

 

Le pari d’une démarche gagnant-gagnant par l’entreprise

M. Delmotte (Cabinet GD projets), de votre côté, comment avez-vous réagi quand vous avez découvert que votre marché comportait des clauses sociales ?

J’avais bien remarqué la clause d’insertion dans le dossier de consultation. Je me suis dit qu’il fallait faire avec, que ça faisait partie du jeu pour toutes les entreprises qui répondaient à l’appel d’offre, même si beaucoup de mes concurrents ont une structure plus adaptée pour intégrer ce genre de clauses. Ce qui m’a paru étrange, c’est le nombre d’heures (53) à effectuer dans ce cadre, trop peu pour envisager une embauche à court ou moyen terme, et trop pour “troquer” ces heures contre la pénalité financière en cas de non respect de cette clause.

Votre vision a-t-elle évolué après votre entretien avec le facilitateur ?

Lors du premier point insertion avec les autres acteurs du chantier, j’ai réalisé que ça allait être plus compliqué que prévu, car j’imaginais à la base, novice en la matière, qu’un stagiaire d’école d’ingénieurs ou d’IUT pouvait remplir les critères d’insertion. Puis nous avons échangé ensemble à la MiE et j’ai alors compris que je serai épaulé pour trouver un profil qui me conviendrait. Nous avons même évoqué de négocier la suppression dans cette clause en cas de réelle difficulté à trouver un profil adéquat. Mais même si ce n’était pas évident, j’étais décidé à jouer le jeu jusqu’au bout.

De quelle façon cela vous a impacté ?

Mme DELBECQUE, facilitatrice, m’avait présenté le profil de M. BENALI à un moment où j’envisageais un recrutement pour faire face au surcroît d’activité de mon entreprise, notamment sur le chantier du Collège Samain qui monte en puissance. J’ai mesuré les impacts d’une embauche en CDD de M. BENALI et ai pris la décision de son recrutement en me disant qu’il ne pourrait y  ressortir que du positif pour tout le monde, à la fois M. BENALI et mon entreprise. Au final, c’est au minimum 234 heures qui vont être réalisées dans ce cadre d’insertion sur les 53 requises.

Comment se passe l’intégration de ce nouveau salarié ?

M. BENALI fait partie de la société depuis presque un mois, et s’intègre petit à petit dans l’équipe du chantier du Collège, ce dont je suis satisfait. Sa mission s’étend du suivi de la présence des entreprises et des effectifs, à la participation aux réunions de chantier et rédaction des compte-rendus de coordination, en passant par la planification des travaux d’une salle de classe témoin. Bien entendu, il n’est pas question de lui confier l’intégralité de l’organisation du chantier, mais j’espère qu’il gagnera de plus en plus en autonomie dans les semaines à venir.

M. BENALI, comment imaginez-vous l’avenir ?

Je tâche de ne pas m’attarder sur mes craintes, sinon je ferais marche arrière. Pour l’avenir, j’espère un CDI ou pourquoi pas ouvrir ma propre boîte. J’ai 38 ans, j’ai encore le temps…

 

Après 7 ans de déceptions et de doutes, M. BENALI a enfin rencontré une entreprise qui lui fait confiance.  Nous lui souhaitons que cette expérience en appellera d’autres. Il sera vraisemblablement  disponible en Janvier 2018. La MiE se propose de faire le relai avec les entreprises en recherche d’un profil similaire. Les contacts sont à formuler via l’adresse mail suivante: clauses-sociales@mie-roubaisis.fr

crédit photo : GBL architectes

 

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